Arrêt maladie : pourquoi vous ne devriez plus jamais vous excuser d’être malade
Petit manifeste pour celles et ceux qui sortent des urgences avec un arrêt de travail de plusieurs semaines et qui culpabilisent
Vous ressentez cette gêne, cette culpabilité dès que vous devez annoncer un arrêt maladie ? Vous vous dites que vous êtes la seule personne à traverser ce moment de fragilité ? Détrompez-vous. La plupart des salariés concernés par une maladie de longue durée n’en parlent même pas à leurs collègues. Pourtant s’arrêter pour soigner son corps pourrait être la meilleure chose que vous puissiez faire pour votre avenir professionnel. Mais comment ? C’est ce que nous allons explorer ici.
Quand la maladie frappe fort
Ce n’était pas un rhume. Ce n’était pas “juste un coup de fatigue”. C’était quelque chose qui nécessitait un arrêt maladie longue durée.
C’étaient ces symptômes étranges, persistants, qui vous ont conduits chez le généraliste, puis chez le spécialiste, puis dans cette salle d’attente où les murs sentent la peur désinfectée. Et quand enfin le mot “repos” sort de la bouche du médecin, vous ne ressentez pas de soulagement.
Vous ressentez de la gêne. De la panique. De la culpabilité liée à cet arrêt maladie. Vous pensez être seul dans cette situation ? Détrompez-vous. 14 % des cadres confrontés à une affection de longue durée n’en ont parlé à personne dans leur entreprise. C’est un silence lourd, alimenté par la peur de déranger, de compromettre leur place, leur avenir. Alors certes, sous nos latitudes, nous avons des droits – mais encore faut-il oser les faire exister.
Travailler malade : le réflexe absurde mais ancré
Pourquoi est-ce qu’on panique plus à l’idée de prévenir son manager que de passer un IRM ?
Pourquoi, alors même que notre corps hurle “STOP”, on pense d’abord à notre charge projet ?
Est-ce que dans le monde de l’entreprise, s’arrêter à cause d’une maladie, c’est déjà un peu disparaître ?
Depuis le Covid, les absences sont mieux acceptées… mais dans les faits ?
Depuis le Covid, les arrêts maladie ont (en apparence) gagné une sorte de légitimité.
On s’est habitués aux télétravails fiévreux et aux messages Slack envoyés depuis le fond du lit.
Mais dès qu’on sort du périmètre « grippe virale », le vieux réflexe revient :
“Est-ce que je suis en train de mettre tout le monde dans la panade ?”
Le dialogue intérieur de la culpabilité
Et là, bon courage pour l’auto-dialogue :
— Tu dois t’arrêter. T’as des examens. Tu peux pas être au bureau entre deux prises de sang.
— Oui mais… mon équipe ? Le timing ? Le projet ? Je suis censé·e être en revue de perf le mois prochain…
Même si votre manager est bienveillant, même si votre équipe est top,
l’absence prolongée reste un irritant silencieux.
Vous sentez que ça dérange. Que ça complique.
Et que ça peut, parfois, laisser la porte ouverte aux petites phrases sournoises :
“On se demande si elle va revenir dans le game”,
ou encore “il faudrait peut-être penser à redistribuer certaines missions…”
Traduction : vous devenez un risque. Une variable à surveiller lors de votre arrêt maladie.
L’effet disparition : quand vous glissez hors du paysage
Vous le ressentez aussi dans les micro-détails du quotidien pro :
Le collègue sympa qui répond désormais avec un “OK” sec.
Ce projet où vous étiez moteur et qu’on a “fait avancer sans vous, mais ne vous inquiétez pas, vous rattraperez.”
Vous n’êtes pas exclu·e volontairement.
C’est juste que l’entreprise vit à une cadence que la maladie, elle, ne respecte pas.
Pendant que le monde continue, vous changez de tempo
Vous, vous découvrez un monde parallèle :
Résultats médicaux. Rendez-vous en pleine journée.
Silences gênants dans les cabinets où l’on vous explique, sans fard :
“Il va falloir ralentir sérieusement.”
Et là, réveil brutal : vous ouvrez les yeux.
La performance ne tient plus la route quand vous tenez à peine debout
Tous ces mots magiques des séminaires – performance, excellence, alignement – deviennent flous. Un peu ridicules.
Vous ne courez plus après la performance. Vous voulez juste écarter la douleur ou le danger. Vivre une vie normale
Votre KPI ? Pouvoir envisager votre avenir sur les mois prochains. Marcher 100 mètres sans devoir s’asseoir.
Et si ce n’est pas vous, c’est peut-être l’un des vôtres.
Un enfant, un parent, un compagnon de vie.
Là aussi, tout vacille.
Vous pensiez jongler avec votre agenda ? Vous comptez les heures de sommeil.
Vous pensiez vous investir dans une nouvelle mission ? Votre mission, c’est simplement d’être là avec votre arrêt maladie.
Et malgré tout ça… on continue à s’excuser
— Pardon, je réponds tard, j’étais aux urgences.
— Excusez moi pour le retard, j’avais un rendez-vous à l’hôpital.
Non. Stop. On arrête.
Un monde du travail plus humain, c’est possible ?
Il n’y a rien à s’excuser de vivre. De devoir soigner. D’être humain.
Et si le monde du travail doit évoluer sur un point fondamental, c’est bien celui-là :
Reconnaître qu’un·e salarié·e n’est pas une ressource 24h/24,
mais une personne, avec une santé, une famille, une vie. Avec ses forces et ses fragilités.
Et que parfois, cette vie déborde. Brutalement. Définitivement.
Et si s’absenter était un acte de lucidité ?

Alors, non, vous ne vous excuserez plus d’être malade. Ni de vous absenter, ni de prendre le temps nécessaire pour guérir. Vous ne minimiserez pas ce que vous traversez pour rassurer ceux que ça dérange.
L’entreprise de son côté a un rôle à jouer. Si, dans certains secteurs, l’accompagnement est encore insuffisant, il est urgent de comprendre que ce temps d’absence n’est pas un échec, mais un acte de lucidité. D’ailleurs, 63 % des cadres français touchés par une maladie de longue durée ont confiance en leur entreprise pour les accompagner.
Un retour plus serein et une santé préservée font bien plus pour la performance qu’un projet livré dans la douleur. Revenir avec une boussole intérieure mieux réglée, voilà peut-être ce qui deviendra votre vraie performance.