Conflit en entreprise : comment négocier sans y laisser vos plumes

Un conflit en entreprise peut vite tourner au cauchemar si vous ne vous posez pas les bonnes questions: Que voulez-vous obtenir ? Qui a vraiment le pouvoir de décision ? Et comment poser vos arguments sans perdre vos nerfs ? Voici ma méthode pour transformer un désaccord en stratégie gagnante.

Hier soir, 22h30, ma copine parisienne Nina m’appelle pour me parler du conflit qui l’oppose à son chef. La voix tremblante, un mélange de tragédie grecque et de stand-up, elle s’écrie :
« C’est la guerre. Mon chef veut imposer son planning pourri, et si je ne riposte pas, ça va être l’enfer… À ton avis, je fais quoi ? »
Je souffle un petit « respire » avant même qu’elle ne finisse sa phrase.

Parce que oui, gérer un conflit en entreprise, ça ne s’improvise pas. La stratégie que je lui propose s’inspire à la fois de la SFBT (approche orientée solution) et de mon expérience de terrain. L’idée ? Identifier ce qui compte vraiment, comprendre qui détient le vrai pouvoir de décision, et préparer ses actions sans se perdre dans les cris ou les frustrations. Et c’est comme ça qu’a commencé une séance de coaching improvisée.

1. Commencer par le filtre de lucidité : Est-ce vraiment important ?

Avant de sortir les armes, je lui demande :
Qu’est-ce qui est vraiment en jeu, Nina ?

Et on déroule ensemble :

  • Enjeu fort : Est-ce que ce planning impacte directement ton travail, ton image ou tes conditions de vie ? Là, oui, tu ne peux pas rester silencieuse.
  • Enjeu mineur : Par contre, si c’est juste une organisation un peu bancale ou une question d’amour-propre (eh oui, elle aussi a son « petit caractère”). Dans ce cas, tu peux poser ton point calmement sans forcer. Si ça passe, tant mieux, si ça casse, ça passe inaperçu.

Nina hésite puis lâche :
Concrètement, si son planning passe tel quel, j’aurai des semaines avec zéro ressources disponibles. Impossible d’avancer correctement, et après, il va me reprocher les retards.
Ok. Là, c’est clair : l’enjeu est réel. Tu n’y vas pas pour ton ego, mais pour protéger ton travail et éviter de devenir le bouc émissaire.

2. Identifier le bon levier : Qui a la main sur la décision ?

Dis-moi, Nina, ton chef, c’est lui qui tranche vraiment sur les plannings ?

Elle soupire :
Souvent, mais pas toujours. Parfois, c’est son propre boss qui arbitre, mais c’est lui qui me transmet les consignes.
Dans ce cas, prudence. Si ton N+1 n’est qu’un relais, inutile de le braquer. Mets en avant des arguments qui lui donnent aussi de la valeur : il doit sentir que défendre ton point va lui permettre de briller auprès du vrai décisionnaire.

En clair : on n’attaque pas le messager, on l’équipe pour qu’il ait intérêt à porter ton dossier plus haut.

3. Arriver avec des propositions, pas seulement des refus

Nina était prête à exploser :
Mais son planning est pourri ! Il me laisse des trous de trois semaines sans personnel, et ensuite il me balance tout le monde d’un coup. Comment je fais ?

Je la recadre :
Justement, au lieu de juste dire « ça ne marche pas », prépare des alternatives concrètes.

Par exemple :

  • Proposition actuelle (imposée par le chef) : allocation irrégulière des ressources → période sans équipe, puis surcharge.
  • Alternative Nina : lisser l’allocation du personnel pour maintenir une continuité et éviter les pertes de temps en formation ou en coordination.
  • Autre plan possible : obtenir au moins une ressource fixe minimale pendant les périodes creuses, quitte à accepter une petite surcharge ensuite.

Et pour éviter la confrontation directe, je lui propose de transformer son “non” en questions ouvertes :

  • « Qu’est-ce qui vous semble prioritaire dans ce planning : respecter les délais ou optimiser les moyens ? »
  • « Est-ce qu’on peut imaginer garder au moins une ressource de permanence pendant les creux ? »
  • « Comment voyez-vous l’impact de cette allocation sur les objectifs de l’équipe ? »

En somme, il est important d’ouvrir un espace de discussion. Et, parfois, l’autre dévoile une contrainte ou une solution à laquelle on n’avait pas pensé.

4. Prendre en compte le facteur timing

Et là, je lui glisse :
— Au fait, Nina, sais-tu à quel moment lui parler ? Sais-tu que même les meilleurs arguments peuvent échouer si tu les balances au mauvais moment ?
Super ! Donc en plus, faut que je lise dans ses humeurs ?
— Exactement. Si ton chef est pressé, fatigué ou déjà en guerre avec quelqu’un d’autre, n’insiste pas. Décale la discussion. Choisis un moment où il est plus disponible, détendu, ou en quête de solutions.

Elle, mi-exaspérée, mi-amusée rétorque:
— Donc j’attends qu’il ait mangé et qu’il ait eu son café… En fait, je négocie avec un Gremlins.
— Voilà. Et tu sais comment ça finit si tu donnes à manger à un Gremlins au mauvais moment ?

— … Oh, horreur !

4. Prévoir un plan B si ça bloque

Nina, déjà anxieuse, ajoute :
Et si rien ne change demain ?

Alors, je la prépare au scénario B :

  • Accepter provisoirement pour ne pas s’épuiser en affrontement stérile.
  • Revenir plus tard, mieux équipée, avec un exemple concret des dégâts du planning (retards, perte de temps, démotivation des équipes).
  • Chercher un timing plus stratégique, par exemple lors d’un point d’avancement où les conséquences deviennent visibles.

La règle d’or : ne jamais sortir perdant d’un désaccord. Même si tu ne gagnes pas tout de suite, tu fais le maximum pour garder la maîtrise du jeu et tu plantes une graine pour plus tard.

Négocier en cas de conflit

Checklist pour préparer un désaccord avec son chef

Avant d’entrer dans la salle, cochez les éléments suivants:


L’enjeu réel : est-ce vital ou juste inconfortable ?
L’objectif concret : qu’est-ce que je veux obtenir ? (ressource, ajustement, reconnaissance…)
L’objectif émotionnel : comment je veux ressortir ? (calme, entendue, crédible)
Le décisionnaire : qui tranche vraiment ? Mon chef est-il décideur ou simple relais ?
Les propositions : quelles alternatives pragmatiques puis-je mettre sur la table ?
Les bonnes questions : lesquelles ouvrent le dialogue au lieu de fermer la porte ?
Le timing : est-ce le bon moment pour avoir cette discussion ?
Le plan B : que faire si ça bloque ? (temporiser, revenir plus tard, escalader intelligemment).

En clair : Montrer sa lucidité, proposer des solutions et garder son sang-froid.

Épilogue

Le lendemain, 18h42, message de Nina sur mon téléphone :
Bon, verdict: j’ai survécu. Pas de drame, pas de sang sur les murs. J’ai posé mes questions, j’ai proposé mes options, et figure-toi… il a dit qu’il allait «réfléchir ». Traduction corporate : je n’ai pas gagné, mais j’ai marqué des points. Et rien que ça, ça valait le coup.

Puis vient un deuxième message:
Et tu sais quoi ? J’ai réalisé que je n’avais pas besoin de hurler pour me faire entendre car j’avais mes cartes bien en main. Bref : merci pour la cellule de crise, demain je t’appelle plus tôt, promis. (Enfin… sauf si je déraille encore 😅).

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