Danger de l’IA : ne risque-t-on pas de finir tous débiles ?
L’IA est-elle vraiment la solution, ou un danger déguisé ? À force de l’utiliser, ne risquons-nous pas de perdre notre capacité à penser par nous-mêmes ?
L’autre soir, en pleine discussion avec mon fils aîné— étudiant en médecine donc supposé faire chauffer ses neurones un minimum — voilà qu’il me balance, entre deux recherches turbo-assistées par ChatGPT : « Tu ne crois pas qu’à force de tout filer à l’IA, on finit un peu lobotomisés ? Genre… l’IA, ça ne pourrait pas devenir un vrai danger, en fait ? »
Sur le coup, j’ai souri. Puis j’ai blêmi en pensant à mon propre usage de ChatGPT & Co. Et si, à force de confier nos résumés, nos analyses, voire même nos décisions stratégiques à des algorithmes, nous étions peut-être en train de débrancher doucement notre propre intelligence, sans même s’en rendre compte.
Et pas que les étudiants, hein. Les salariés, les managers, les boss… personne n’y échappe. Parce qu’à terme, tout le monde finira par y passer : utiliser l’intelligence artificielle ne sera plus une option. Et le danger de l’IA, ce n’est peut-être pas un vieux fantasme de science-fiction. C’est juste ce qu’on est déjà en train de vivre. Doucement. Silencieusement. Mais sûrement.
Quand la tech rend (un peu) bête
Le syndrome du “je ne retiens plus rien”
Vous vous souvenez de l’époque où on connaissait les numéros de téléphone par cœur ? Où on faisait les additions sans utiliser la calculette ? Depuis, GPS, smartphones et apps en tout genre ont transformé notre mémoire en fainéante professionnelle : « T’inquiète, je vais chercher sur Google».
L’IA fait pareil, mais à un niveau supérieur.
L’intelligence artificielle ne se contente plus de nous mâcher l’info — elle pense pour nous, résume, analyse, choisit la meilleure option possible… pendant qu’on tapote vaguement sur son clavier en mode touriste cérébral.
Au boulot : gain de productivité ou régression intellectuelle ?

Dans le monde pro, l’IA s’infiltre partout : rédaction d’emails, synthèse de réunions, analyse de données, traduction, création de pitchs… Et oui, c’est grisant et je l’avouerais sans vergogne, je l’utilise beaucoup. Mais à force de déléguer, on ne produit plus : on supervise.
Et quand on y pense, les perspectives se font inquiétantes :
- Le rédacteur n’écrit plus, il oriente vaguement son IA.
- Le manager ne prépare plus ses briefs, il les fait générer.
- Le commercial laisse l’IA faire parler les chiffres… sans forcément piger ce qu’ils racontent.
Bref, on devient des pilotes automatiques d’outils qu’on ne comprend pas complètement, avec des datas dont on a rarement la source et pour des conséquences qu’on ignore. L’angoisse!
Le vrai danger de l’IA: ne plus savoir penser par soi-même
L’esprit critique, la prise de recul, la créativité brute, la mémoire de travail, la rigueur… Ce sont des muscles mentaux. Et comme tous les muscles, si on ne les fait plus bosser… ils s’étiolent.
Et dans un contexte professionnel :
- Cela appauvrit la culture générale (on sait trouver l’info, qui n’est pas forcément exacte d’ailleurs, mais pas toujours la comprendre).
- Petit à petit, on perd la capacité à formuler nos propres idées : on finit par laisser l’IA décider à notre place de ce qu’on veut dire… et pourquoi.
- On devient dépendant aux outils (il devient alors difficile de faire une présentation sans son IA).
Le pire ? Cela peut aussi rendre nous rendre intolérants : à partir du moment où on ne challenge plus une info, ne risque t-on pas de d’avoir la tentation dézinguer tous les points de vue divergents ?
Et en prime, on devient une cible idéale pour les fake news, coincés entre les lignes de front des guerres idéologiques ou commerciales.
Faire de l’IA un levier, pas une béquille !
L’IA est puissante, oui. Mais ce n’est pas elle qui décide si elle vous rend plus affûté… ou plus paresseux. C’est votre usage qui fait toute la différence. Et comme le rappelle Julie Battilana, professeure à Harvard et spécialiste des dynamiques de pouvoir, reprendre la main commence par comprendre les rapports de force. Dans le cas de l’IA, ça veut dire garder le contrôle, et surtout, ne pas tout lui déléguer, et surtout pas ce qui touche à notre discernement.
Mes propres règles d’hygiène mentale au travail (formulées pour moi, partagées si ça peut servir)
Je me suis posé la question : qu’est-ce que je ne veux surtout pas perdre, intellectuellement parlant ? Voilà ce que j’en ai tiré :
- Garder des zones “low tech” : une réunion préparée à la main, un article rédigé à l’instinct, une réflexion solo sans assistance.
- Utiliser l’IA en second cerveau, pas en cerveau principal : challengez mes propres idées avant de demander des suggestions.
- Travailler mes muscles mentaux : mémoire, esprit critique, capacité d’argumentation. Comme le sport, ça fatigue… mais c’est ça qui me tient en forme.
- Clarifier mes intentions avant de déléguer : qu’est-ce que je veux vraiment dire ? à qui ? pourquoi ? Si je ne sais pas répondre, ce n’est pas à une machine de deviner.
- Continuer à me former à l’IA autant qu’à la réflexion : maîtriser l’outil, c’est aussi comprendre ses limites. Pour ça, j’ai trouvé utile le MOOC L’intelligence artificielle générative et moi . Je vous le recommande 🙂
Finalement, que peut (vraiment) l’IA pour nous ?
L’IA peut booster nos idées, alléger nos tâches, élargir nos horizons. Mais elle ne remplacera jamais cette étincelle intérieure qui fait qu’une réflexion devient une vision, qu’une intuition devient un projet. Parce que l’IA ne comprend pas. Elle combine, elle anticipe, elle copie. Mais le sens, l’intuition, le jugement, l’éthique, l’audace ? Ça, c’est nous!
En somme, l’IA n’est ni notre ennemie jurée, ni une baguette magique. C’est un outil — puissant, oui, mais qui n’a que le pouvoir qu’on lui donne. Le vrai danger de l’IA, ce n’est pas elle : c’est ce qu’on choisit de lui déléguer, et les muscles mentaux qu’on arrête d’exercer.
Alors, on fait quoi ? On rallume le cerveau. On prend conscience quand l’IA nous aide… et quand elle nous met en danger. Parce que le monde du travail ne nous attendra pas pour changer. Et pour ceux que ce virage inquiète, j’ai creusé le sujet ici : Gérer l’incertitude au travail face à l’IA. Pas des réponses miracles, mais quelques repères pour avancer sans piloter à l’aveugle.
Car penser reste un acte radical. Et ça, aucune machine ne le fera à notre place!