Les tests sournois en entretien : ce qu’ils révèlent vraiment des recruteurs
Découvrez pourquoi ces tests d’entretien, souvent bizarres et présentés comme inoffensifs, révèlent surtout les failles et dérives des recruteurs. Apprenez à décrypter ces pièges pour mieux choisir où poser vos talents.
Le recrutement, c’est ce moment classique où l’on attend de vous la perfection : sourire maîtrisé, attitude détendue, réponses intelligentes… sans oublier les tests de langue, mises en situation professionnelle, et tout le tralala. Sauf que, derrière cette façade bien rodée, les RH glissent parfois, l’air de rien, de curieux petits tests cachés lors de l’entretien.
En ces temps d’incertitude économique, où les offres d’emploi fondent plus vite qu’un esquimau au soleil, il est tentant de minimiser ces bizarreries et de se dire : « Peu importe, je prends ce qu’on me donne. » On se dit alors que « toutes les entreprises ont leurs petites méthodes ».
Sauf que si vous tombez sur ce genre de situation, autant comprendre à quoi ça sert vraiment et ce que ça trahit (malgré eux) des recruteurs. Voici 5 tests bizarres à décoder pour ne pas se faire avoir.
1. Le test de la tasse ou de la fausse politesse
Le pitch : On vous offre un café avant l’entretien. Si vous ne rapportez pas la tasse: c’est game over.
Mais vraiment ? L’anecdote a été largement relayée, notamment par Trent Innes, ex-dirigeant chez Xero, qui affirmait que « la façon dont quelqu’un traite la cuisine révèle sa mentalité » (Business Insider). Depuis, ce « test » s’est transformé en petit rite officieux, repris par certains recruteurs comme indicateur de personnalité.
Ce que ça dit d’eux : Exiger qu’un candidat ramène sa tasse pendant un entretien ? C’est déplacé, d’autant que cela ne figure dans aucun code de savoir-vivre officiel. En réalité, c’est à l’hôte — le recruteur — d’assumer ce détail. Au mieux, cela montre un recruteur déconnecté des vraies dynamiques humaines, qui s’invente des règles arbitraires. Bien sûr, ramener sa tasse peut paraître naturel entre collègues, ou pour rendre service. Mais un·e candidat·e n’en fait pas encore partie. Alors attendre de lui qu’il devine une règle inexistante ? C’est délirant.
Le vrai sujet : Dans un entretien, ne s’agit-il pas d’évaluer l’échange, la qualité de votre expérience ? Ce genre de piège transforme la rencontre en chasse aux faux pas et signale une culture d’entreprise où le non-dit l’emporte sur la transparence.
Votre contre-attaque ? Aucune. Rapportez votre tasse si vous en avez envie. Mais si c’est ce geste, ou son absence, qui détermine votre sort, cette entreprise ne mérite probablement pas vos talents.
2. Le test de la chaise bancale ou du stress contrôlé
Le pitch : On vous fait asseoir sur une chaise volontairement instable, histoire de « voir comment vous réagissez à l’imprévu » (Huffington Post).
L’intention ? Évaluer votre capacité à garder votre calme dans l’adversité.
Mais la réalité ? Sauf si le poste implique de gérer des situations difficiles, cette mise en scène traduit surtout un goût douteux pour la déstabilisation gratuite. Dans ce cas, créer un inconfort volontaire pour observer vos réactions en situation de vulnérabilité.
La lecture alternative ? Tester votre assertivité : allez-vous oser dire calmement « Pourrais-je avoir une autre chaise, s’il vous plaît ? Celle-ci est instable»? Ce serait un bon signe… à condition que cette demande ne vous soit pas reprochée.
Réaction normale ? « Bien sûr, excusez-nous, on vous en trouve une autre. »
Réaction foireuse ? Ignorer votre demande ou vous faire sentir que vous êtes « difficile » ou « pas assez adaptable ». Là, alerte rouge. vous avez affaire à une organisation qui normalise la violence ordinaire dès le recrutement.
3. Le test du silence pesant ou de la psychologie de comptoir
Le pitch : Après l’une de vos réponses, le recruteur ne dit rien. Il vous regarde. Longtemps. Trop longtemps.
La théorie ? Ce test assez classique repose sur l’idée qu’un·e professionnel·le doit garder son calme face à la pression..
La réalité ? Sauf si vous visez le GIGN, un entretien ne devrait rien à voir avec un interrogatoire. Ce silence pesant n’est pas un test de sang froid, mais un levier de pouvoir : il cherche à vous déstabiliser pour mesurer jusqu’où vous êtes prêt·e à vous soumettre à leur jeu.
Votre option ? Ne paniquez pas, souriez et respirez. Puis, demandez tranquillement : « Y a-t-il un point sur lequel vous souhaitez que je revienne ? » Vous montrez que vous êtes là pour échanger, pas pour être traité·e comme un suspect.
4. Le test du retour constructif ou du petit pouvoir sadique ?
Le pitch : On vous pointe une soi-disant incohérence dans votre CV, histoire de voir comment vous encaissez. Le seul test de cette liste auquel j’ai, personnellement, réellement été confrontée.
La théorie : Mesurer votre capacité à accueillir un retour difficile avec calme et recul.
La réalité : Tout le monde fait des erreurs, reconnaître les siennes est une preuve de maturité. Mais lorsqu’une remarque sur un détail anodin est balancée sans contexte ni bienveillance, elle cesse d’être un échange pour devenir un coup de force déguisé. Marie-France Hirigoyen, psychiatre et auteure, montre dans Le harcèlement moral (1998) comment ces remarques apparemment banales servent à asseoir une hiérarchie par l’humiliation.
Votre option : Deux scénarios. Soit le commentaire est constructif, vous l’accueillez comme une info utile (merci !). Soit il s’agit d’une pique déguisée, avec un petit air de supériorité en prime. Dans ce cas, mieux vaut répondre avec assurance, en assumant pleinement : « Ah, vous trouvez ? Je ne vois pas les choses ainsi. » Dans tous les cas, ni justification, ni excuses : votre parcours n’a pas à être lisse pour être légitime.
5. Le test du lieu atypique ou du brouillage de repères
Le pitch : L’entretien se déroule dans un café bondé, un parc ou le hall d’un hôtel. « C’est plus cool, moins formel », qu’ils disent, sourire en coin. Résultat : vous voilà hors cadre, littéralement.
Ce que ça prétend : Dans certains secteurs (startup early-stage, freelance, design, médias, conseil), ce ne serait pas inhabituel. Ces entreprises n’ont pas toujours de locaux, ou leur culture valorise l’informel. Parfois, dans des secteurs plus traditionnels, certains recruteurs proposeraient de poursuivre l’entretien dans un cadre moins formel, tel qu’un restaurant ou un bar.
Ce que ça révèle souvent : Sur le papier, ça a l’air gentil, presque convivial. Mais c’est aussi une façon subtile de mesurer votre capacité à avaler des horaires et lieux à la marge, à accepter que la frontière pro/perso devienne un concept flou. Pire : on vous jette dans un cadre sans règles claires, parfait pour planter les graines de futurs abus managériaux. Un petit déj dans un endroit « business like » ? Raisonnable. Un dîner dans un lieu à double lecture ? Là, vous entrez dans le jeu du « je refuse = rigide et pas motivé » ou « j’accepte = j’ouvre la porte à tout ».
Votre parade : Selon la situation dire « Merci, je préfère que l’entretien ait lieu dans un cadre professionnel adapté. » ou encore « Je serais ravie de poursuivre l’échange lors d’un second entretien, dans un contexte plus formel. »
Des réponses qui posent vos limites avec clarté, sans claquer la porte. Et si on vous le reproche… vous avez votre réponse.
Ce que ces tests en entretien révèlent de l’entreprise
Ces petits jeux RH, qu’on vous vend comme des “mises en situation”, s’inscrivent dans un continuum de violence douce, souriante, presque parfumée au café tiède – et qui commence souvent dès l’entretien. Derrière ces test, voilà ce qui se joue vraiment :
- Un goût prononcé pour le contrôle flou : quand une entreprise commence à vous jauger sur des règles qu’elle ne formule pas mais punit quand même leur transgression, c’est de l’arbitraire. Et un management qui préfère le non-dit aux consignes claires, c’est rarement bon signe.
- Une habitude de la violence invisible : faire passer l’humiliation feutrée pour un test de sang-froid, c’est déjà installer l’idée qu’on peut manipuler, secouer, tester… sans que personne ne moufte. Sauf que vous n’êtes pas un flan au caramel.
- Zéro fondement scientifique : ces “épreuves” ne reposent sur rien de sérieux. Ni sur la psychologie du travail, ni sur des données probantes. À ce niveau, c’est presque du folklore – sauf qu’on vous évalue avec pour de vrai. Et que certains y laissent leur estime de soi.
Le plus consternant ? C’est que certains médias relaient ces tests pendant l’entretien comme des trouvailles RH un peu baroques mais pleines d’intuition — comme si l’arbitraire habillé en originalité méritait sa place dans la boîte à outils du management.
Bref, si une entreprise ouvre le bal avec ce genre de petit théâtre du malaise, inutile d’espérer une valse harmonieuse ensuite, mais plutôt un cocktail toxique et manipulatoire.
Rappel utile : l’entretien est un match, pas un interrogatoire
Un recrutement, ce n’est pas une faveur qu’on vous fait. C’est un contrat entre deux besoins : eux, avec une mission à pourvoir ; vous, avec des compétences et une énergie à offrir. S’ils recrutent, ce n’est pas pour faire plaisir — c’est qu’ils n’y arrivent pas sans vous. Vous n’êtes pas là pour quémander, mais pour voir si ça peut matcher.
Alors ces petits tests absurdes en entretien ? Ne les prenez pas pour vous. Prenez-les pour ce qu’ils sont : des raccourcis. En trois minutes, ils vous évitent six mois à découvrir qu’ici, on “valorise la flexibilité” à coups de mails le dimanche à 23h30 passé et de sourires passifs-agressifs à la machine à café.
La vraie question
Un recrutement, au fond, c’est un deal. Vous venez avec vos compétences, votre énergie, votre temps. En face, ils proposent un cadre, un salaire, et, au minimum, un peu de clarté et de respect. Ce n’est pas une faveur, ni pour l’un, ni pour l’autre. C’est un accord. Et comme tout accord, il faut que les deux côtés y gagnent.
Évidemment, parfois, le deal est bancal. Mais on le signe quand même, parce qu’on a besoin de bosser, point. Et dans ce cas, mieux vaut savoir ce à quoi on dit oui. Pendant l’entretien, pas besoin de confronter les recruteurs ni de dénoncer le jeu lors de ces tests. Restez calme, courtois·e. Laissez-lse dérouler son petit théâtre. Observez.
Et si une offre arrive ? Là, vous avez les cartes en main. Vous savez ce qu’ils valent, ou plutôt ce qu’ils révèlent malgré eux.

À vous de décider. Mais parfois, vraiment, la meilleure réponse, c’est un sourire poli… et un grand NON.