Préjugés 2.0 : Avez-vous le visage de la compétence pro ?
Votre visage vous condamne-t-il avant même que vous ouvriez la bouche ? Les préjugés piègent candidats et recruteurs. Pire : les algorithmes s’en mêlent, aggravant encore la situation. Et si la solution était de revenir à l’entretien téléphonique, où seule votre voix compte ? Découvrez pourquoi l’apparence a trop longtemps pris le pas sur les compétences.
On ne va pas se mentir : le premier entretien, c’est rarement un moment de grâce. D’un côté, un recruteur qui a lu votre CV en diagonale entre deux réunions. De l’autre, vous, qui n’avez pas forcément le visage d’un top-modèle : peut-être avez-vous un front un peu fuyant, des lèvres fines ou des yeux légèrement enfoncés.
Pourtant vous aurez fait de votre mieux : tenue soignée, coiffure impeccable, belle chemise et surtout vous êtes prêt à expliquer que vous avez le profil de l’emploi. Pendant ce temps, l’autre vous jauge en silence.
Le cerveau adore juger, surtout pour de mauvaises raisons
Figurez vous que l’Université de Glasgow a confirmé – avec tout le sérieux d’une institution respectable – que oui : les gens jugent bien votre compétence et votre statut social rien qu’en regardant votre visage. Elle dévoile d’ailleurs tout cela dans l’étude qu’elle a publiée en janvier 2024 dans le Journal of Experimental Psychology.
Résultat ? Elle a établi le portrait-robot des traits liés à l’incompétence : un visage un peu large, triste, ou flou. Vous avez une bouche tombante ? Vous n’êtes pas suffisamment dynamique. Vos sourcils sont bas ? Vous manquez d’assurance. Votre visage est large ? La maîtrise de soi est votre point faible, etc.
Et dire que vous pensiez que votre master en droit comparé allait suffire !
Préjugés assistés par intelligence artificielle
Et ce n’est pas tout. Une équipe du Stevens Institute of Technology avait en 2022 déjà entraîné des intelligences artificielles sur la base de milliers de réactions humaines pour qu’elle puisse prédire quels seront les jugements sociaux qu’un visage va susciter.
L’objectif officiel de ces recherches était de réduire les biais de sélection. Du moins, c’est la théorie. Dans les faits, ne peut-on pas craindre que ce type de technologies renforce ce qu’il prétend corriger ?
Quand l’IA ressuscite les vieilles lubies
Car qui nous dit que l’emploi de l’intelligence artificielle ne servira pas d’abord à cibler les profils qui ont l’air “compétents”. Certains responsables RH peu scrupuleux, ou simplement trop paresseux pourraient déléguer à ces IA le process de sélection, histoire de garantir une « bonne impression » immédiate auprès des managers. Que de temps gagné les amis ! Que de temps !
Le plus beau c’est que ces algorithmes pourraient être estampillés éthiques, même s’ils ne font que reproduire nos biais humains. Après tout, quoi de plus “objectif” qu’un programme informatique ?
Johann Caspar Lavater, le père de la physiognomonie au XVIIIe siècle, n’aurait pas rêvé mieux : sa pseudo-science revenant par la porte dérobée du deep learning. Trop fort.
Supprimons les visages : le retour du bon vieux téléphone
Alors, si le faciès fausse tout, pourquoi continuer à faire passer les premiers entretiens en visio ou en face à face ? Pourquoi ne pas revenir au bon vieil entretien téléphonique où seule la voix compte ? Et accessoirement où la présence d’une mâchoire indécise ne parasiterait pas le jugement.
Par téléphone, plus de biais liés à vos sourcils, votre teint ou symétrie du nez. Vous n’êtes plus qu’une voix, une pensée et un esprit aiguisé. Cela permet de recentrer l’échange sur l’essentiel : des questions claires, orientées vers l’expérience, les compétences et le savoir-être.
En prime, plus besoin de soigner votre look, de gérer la lumière de votre webcam ou de coller un sourire crispé devant l’écran. Vous pouvez vous concentrer sur l’essentiel : vos idées, votre discours, votre valeur. Franchement, qui y perdrait ?
Soyons honnêtes : on préfère les jolis incompétents
Car enfin, faut-il vraiment avoir fait de hautes études pour comprendre qu’avoir une « belle gueule » ouvre plus de portes que d’avoir du fond ? Soyons lucides : dans le doute, on préfère souvent le mec ou la nana canon et un peu débile à celui ou celle qui sait ce qu’il fait, mais a le tort d’avoir un profil entre Frankenstein et un agent de l’URSSAF. On le sait, on le fait et on appelle ça une « première impression ».
Alors, tant que l’on confondra charisme de surface et capacité à faire le job, peut-être qu’un bon vieux coup de fil sans image reste notre meilleure chance de faire passer la compétence avant l’apparence.
Et si vous pensez que ce biais ne concerne que les recruteurs, détrompez-vous. Car c’est VOUS qui allez bosser avec ces « super recrues » : celles qui sèment joyeusement le chaos, mais passent crème à l’écran. Jusqu’au jour où vous ne pourrez plus les voir en peinture.

En attendant, amusez-vous bien et joyeux team building !