Risques psychosociaux au travail : et si on arrêtait cette mascarade ?

Ah, la santé mentale et les risques psychosociaux en entreprise…… Le sujet star des posts LinkedIn et des réunions RH . Je ne sais pas vous, mais au lieu de me rassurer, toutes ces belles paroles ont plutôt le don de m’agacer. Et si, sous couvert de bienveillance dégoulinante, on ne faisait qu’aggraver le malaise ?

D’un extrême à l’autre : de l’aveuglement au surinvestissement

Pendant des décennies, la santé mentale au travail était un non-sujet. Si quelqu’un allait mal, c’était son problème. Tout au plus, on lui conseillait de « prendre sur soi » et éventuellement de faire un “break”. En fait, c’était aussi tabou que parler salaire entre collègues : tout le monde en souffrait, mais personne n’osait mettre les pieds dans le plat. Puis, la prise de conscience est arrivée. On a découvert l’ampleur des ravages du burn-out, les scandales de harcèlement moral, et l’impact du stress chronique. Petit à petit, la question des risques psychosociaux au travail a émergé, forçant les entreprises à prendre leur part de responsabilité.

C’était nécessaire et même sacrément salutaire.

Sauf que, comme souvent, on est tombé dans l’excès inverse. Au lieu de poser des bases solides — prévention, formation, vigilance, bref, du concret —, on a transformé le travail en espace de guérison émotionnelle. Et là, ça commence à partir en cacahouètes.

RH, salariés, managers : un triangle infernal façon Karpman ?

Dans cette belle pagaille, chacun se voit attribuer un rôle… et rarement le bon.

Les RH en mode thérapeutes (et boucliers humains)

Les RH, animés des meilleures intentions, endossent malgré eux les rôles de psys improvisés. Ils écoutent, conseillent, apaisent… la plupart du temps sans réelle formation ni baguette magique. À force d’absorber des détresses sans pouvoir les traiter, ils finissent rincés, culpabilisés, au bord du burn-out. Et comme si ça ne suffisait pas, ils deviennent parfois les tampons impuissants entre salariés en souffrance et management toxique. Résultat ? Ils assistent, impuissants, à des dérives qu’ils devraient contrer… mais sans aucun levier réel.

Le salarié : entre vulnérabilité et danger réel

Certains, persuadés que leur bien-être dépend exclusivement de l’entreprise, s’en remettent entièrement à elle. Logique, en apparence. Sauf que cette dépendance peut vite devenir un piège : plus vulnérables, ils attirent les comportements abusifs. Harcèlement, discriminations, pressions insidieuses… Plus ils cherchent du soutien, plus ils s’enfoncent. Et l’entreprise, plutôt que de stopper l’hémorragie, laisse faire, niant le problème ou, mieux, organisant un atelier « gestion du stress » histoire de montrer qu’elle agit.

Les dirigeants enfin endossent les costumes de bons parents ou de vilains ogres.

Oscillant entre « tout va très bien madame la marquise » et « débrouillez-vous avec ça », les dirigeants jonglent entre aveuglement volontaire et sous-traitance émotionnelle auprès des RH. Parfois, ils se drapent même dans une fausse bienveillance, multipliant les initiatives de prévention des risques psychosociaux façon écrans de fumée. Méditation, baby-foot, appli de relaxation… pendant que certains crèvent à petit feu sous la pression ou le mépris d’un management toxique.

La mécanique infernale du « jeu » où tout le monde finit perdant

Bienvenue dans le triangle dramatique de Karpman : le salarié en détresse cherche refuge auprès du RH, qui joue au « sauveur ». Mais à force de prendre en charge l’impossible, le RH s’épuise, se ferme, devient insensible. Le sauveur bascule alors en « persécuteur », et le salarié se sent trahi. Le dirigeant, persuadé d’avoir délégué, est accusé d’inaction. Et le pompon ? Quand un manager, flairant la proie idéale, profite de la vulnérabilité d’un salarié pour le broyer à petit feu : isolement, dévalorisation, contrôle. Le salarié finit piégé, le RH essoré, le dirigeant dépassé… et tout ce petit monde retourne à la case départ, en pire.

Et après, on s’étonne que les démissions et les arrêts maladie explosent!

Pour revenir à la juste responsabilité de l’entreprise ?

Ne pas médicaliser le travail, ce n’est pas abandonner les salariés. C’est au contraire poser un cadre adulte et structurant. La vraie responsabilité de l’entreprise, ce n’est pas de jouer les thérapeutes, mais de créer un environnement de travail sain et équilibré. Cela passe par des actions concrètes :

Le rôle de l’entreprise

  • Prévenir les risques psychosociaux : l’entreprise n’est pas responsable de la santé mentale de ses salariés, mais elle moralement et légalement tenue de prévenir les dérives : charge de travail, harcèlement, management toxique…
  • Former sans déresponsabiliser : Apprendre aux managers à repérer les signaux faibles, sans les transformer en psys de bureau.
  • Mettre en place de vrais relais : Cellules d’écoute, dispositifs d’accompagnement… plutôt que de bricoler en interne et d’étouffer les problèmes sous le tapis.

Le rôle du salarié

  • Prendre soin de sa santé mentale, comme on prend soin de sa santé physique.
  • Ne pas attendre que tout vienne de l’entreprise et consulter un professionnel extérieur si nécessaire.

Le rôle des RH

  • Être une sentinelle, pas un sauveur.
  • Encadrer et orienter, mais sans absorber la charge émotionnelle des autres.
  • S’appuyer sur des experts pour éviter de gérer seul des situations trop lourdes.

Et si on revenait à une vision plus saine du travail ?

Le travail fait partie de nos vies, mais il ne doit ni les absorber ni les définir. Ce n’est ni une thérapie, ni une famille, mais un espace où l’on crée, collabore et grandit.

Et si, au lieu d’attendre qu’il répare tout, on choisissait d’en faire un lieu d’épanouissement lucide ?

En fixant des limites saines.
En partageant les responsabilités.
En bâtissant un équilibre où chacun peut avancer, sereinement et durablement.

À chacun son rôle, à chacun son pouvoir

L’entreprise pose le cadre, mais ce n’est pas un hôpital du bien-être.
Le salarié est acteur de son équilibre, pas un patient en attente de soins.
Les RH veillent, accompagnent, mais ne sauvent pas – et c’est tant mieux.

Quand chacun reprend sa juste place, le travail redevient un espace d’épanouissement et de collaboration, pas un champ de bataille émotionnel.

Envie de savoir si votre entreprise favorise un climat sain… ou toxique ? Voici un guide pour y voir plus clair.

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